Une retenue intéressante [PV Camille]

« Crétin. »
Elle grogna. Marchait d’un pas lourd et visiblement pas pressé d’arriver à destination.
« Vieux pochard. Puceau. »
Elle s’arrêta et shoota dans un petit caillou.
Elle était seule, au milieu de la cour, en direction d’une salle qu’elle connaissait très bien et dont elle avait une sainte horreur.
Tout commençait il y avait à peine dix minutes. Camille n’avait pas pensé à prendre son cahier (ou du moins s’était elle résignée à ne pas le prendre) dans un cours avec un professeur qui ne l’aimait pas –réciproquement. Il lui avait assigné des devoirs supplémentaires. Elle avait protesté à haute voix ; il s’était énervé puis avait fini par se calmer. La jeune fille se retournait pour demander une feuille, et là ce fut l’explosion : le professeur eut une crise d’énervement, il hurla et décida de coller son élève, incrédule ; l’intéressée lui répondit qu’elle pourrait améliorer ses talents de dessin et apprendre quelques petits potins, restait à savoir qui était puni avec elle. Il hurla à nouveau et la vira de son cours !
Elle était donc passée à l’accueil et demander où elle irait et si elle pouvait retourner au dortoir, mais le surveillant n’était pas d’accord et il l’envoya en retenue. C’était injuste ! Elle n’avait rien fait de mal !
Et voilà comment elle se retrouva là, à paresser pour aller en permanence, traitant ses « supérieurs » de tous les noms d’oiseaux possibles et inimaginables.
« Rejeté. Gros thon. Imbécile. Tyran ! »
En plus, elle ne savait pas vraiment où elle était, cette fameuse salle de retenue. Le surveillant l’avait prévenue qu’elle ne pourrait pas faire l’imbécile ces heures-ci, car la surveillante était une certaine Essa Hirogana – ou quelque chose du genre. C’était la co-directrice ou quelque chose du genre. Une femme excentrique que Camille avait aperçue une fois. Une rousse flamboyante, aux yeux rouges avec une faux. Le genre « je suis supérieure je me la pète wouhouu ! », le genre qui agaçait Camille. L’heure de retenue s’annonçait épique, et quelques âmes se verraient sûrement harponnées. Au pire elle s’en fichait. Elle voulait juste ne pas aller en retenue. Elle hésita. Fuguer ? Il faisait froid et venteux. Sûrement pas. Prétendre être malade ? Elle détestait ces gens qui la tripotaient pour voir si elle allait bien. Elle aurait pu contrôler quelques gens mais bof, elle irait en permanence finalement. Il y aurait bien quelques gens sympathiques avec qui elle discuterait. Enfin deux heures…
Quand elle passa la porte, les quelques élèves se retournèrent et la dévisagèrent. Elle fit un petit salut et chercha une table près de quelqu’un qui parlerait avec elle.
« Hey ! » lança-t-elle en s’asseyant près d’une connaissance. « Elle est où, cette fameuse Essa Hirotruc ? »
Sa compagne du moment lui indiqua qu’elle n’était pas arrivée.
« Sérieuse, la surveillante. Et elle osera nous réprimander ? Tss… »
L’autre haussa les épaules, un peu inquiétée.
Finalement, la femme arriva, égale à l’image que Camille avait d’elle. Elle leur lança une pique, avec son air dément qui irritait la jeune fille.
« Non, nous sommes tous Saints, mais incompris. Surtout moi » répondit-elle à la femme, déclenchant l'approbation (très discrète) générale. Elle scruta, la surveillante détaillant ses faits et gestes, pour finalement conclure qu’elle n’avait pas d’avis fondé sur Essa Hirogana. La suite des événements aviserait ce jugement, et Camille se demandait bien qu'elle en serait l'issue.