La nuit est à nous ! [PV Essa H.]

Les étoiles éclairent la ville d’une faible lumière blanchâtre. Les ruelles se composaient de longues surfaces d’ombre et de légères surfaces pâles. La lune, pâle elle aussi, semblait être un repère à tous ceux qui cherchent des repères. Au loin brillaient les lumières artificielles des lampadaires et des insignes commerciales.


De là où elle était, Camille ne voyait pas les belles lumières colorées des magasins et restaurants tardifs. Elle marchait, éclairée par les lumières des rares lampadaires encore en état et du ciel étoilé. Ces lumières, mêlées entre elles pour former une lumière blanche un peu jaunâtre qui rendaient les cheveux clairs de la jeune fille très pâles. Ses yeux semblaient blanchis, seulement teintés des vagues couleurs environnantes. Elle marchait, tel un fantôme errant dans de piteuses ruelles, sans quête, sans désirs particuliers. Ses pas la menaient vers la ville, sûrement attirés par les nombreuses couleurs acidulées émanant de la ville. Dans les ruelles où elles passaient se trouvaient des résidences, de petits appartements, dont les fenêtres étaient pour la plupart éteintes. Pour celles allumées, elles étaient la plupart nues de rideaux, et l’on pouvait voir les silhouettes des divers meubles et habitants. Certains semblaient figés devant ce que Camille pensa être la télévision. D’autres s’affairaient à des tâches indéfinissables.


Elle continuait à errer, tel un zombie, sans but ni chemin tracé, sans prêter attention aux gens alentours, son regard hautain gravé sur son visage, tel une preuve de sa supériorité. La jeune fille appréciait se balader ainsi la nuit, dans les ruelles pas trop malfamées ni très dangereuses et vide d’âme. Le temps était frais, le vent soufflait doucement. C’était une nuit sans nuages, bleue encre, pointillée de lueurs blanches. Ses fins cheveux soulevés par le vent et blanchis par la lune lui faisaient ressembler à un fantôme. Elle s’était habillée trop légèrement, sa jupette lui arrivait au-dessus des genoux et son collant était trop fin. Sa légère veste en laine et son écharpe ne lui fournissaient qu’une chaleur limitée au dessus du corps, mais elle était gelée au niveau des jambes. Elle grelottait un peu, et son souffle formait un nuage à peine translucide.

Bref, elle avançait, toujours sans but, sans connaître d’itinéraire, seulement guidée par son instinct et par ces chaudes couleurs lumineuses.

La lune ne semblait pas décidée à se cacher, de même que Camille n’était pas décidée à rentrer. Elle se contentait d’apprécier le contact du vent sur ses membres frêles, à peine protégés de sa fraîcheur. Évoluant dans cet environnement nocturne, la jeune fille était alors dans de bonnes conditions pour penser. Venant d’arriver en ville, elle ne connaissait rien à ces lieux, ni aux gens y vivant, si ce n’est qu’ils n’étaient pas humains (en théorie). Elle ne pouvait s’empêcher de se demander comment évoluait son village originel, et ce que les gens pensaient d’elle, maintenant qu’elle n’y était plus. Ses parents la regrettaient-ils ? L’avaient-ils oubliée ? Sûrement avaient-ils quelque chose d’autre à penser. La jeune fille se demandait aussi ce qu’il adviendrait d’elle ici. Elle ne savait pas ce qu’il se passerait demain, elle n’était pas habituée à l’imprévu. D’ailleurs, où allait-elle dormir ce soir ? La lune avait beau être belle, la fraîcheur ne lui convenait pas. Habituée à la chaleur, au luxe et au confort, et elle s’imaginait mal dormir à la belle étoile. Utiliser son don ? Il ne s’était pas manifesté depuis deux jours, elle ne voulait pas risquer de le réveiller. L’hôtel semblait être le seul recours. Mais elle n’avait, selon elle, pas d’argent à dépenser. Elle fixait un point, toujours attirée tel un papillon de nuit vers les lumières lointaines. Elle ne voyait que des ombres profondes, parsemées de maigres lumières, quand tout à coup une silhouette excessivement rouge. Cette silhouette se trouva être celle d’une femme, assez belle, d’apparence jeune, mais à l’étrange aura inspirant l’horreur. Et surtout, le regard de Camille se posa sur cette faux. Une énorme faux inspirant, elle, la mort. La blonde avait un peu de mal à la distinguer, elle pensa que c’était dû aux lumières.
La femme lui demanda ce qu’elle faisait ici, et lui annonça qu’il y avait un dortoir.
« Il y a un dortoir ? » pensa Camille.
Elle pensa aussi avec arrogance que cela ne regardait pas la femme en rouge, et qu’elle manquait de politesse. Puis elle se dit qu’elle était nouvelle, plus jeune et qu’elle devrait faire bonne impression.
« Bonsoir. J’ignorais alors qu’il y avait un dortoir. Et le climat fait que je ne suis pas d’humeur à dormir. De toute façon, je n’ai nulle part où aller » lança-t-elle, non sans dédain, mais en masquant au maximum son arrogance devant cette femme à l’aura imposante. Elle agrémenta cela d’un très, très léger haussement d’épaules. Puis, comme la politesse veut que l’on se soucie de son partenaire :

« Et vous ? Que faîtes-vous en pleine nuit, ainsi armée ? »